À deux jours du derby des Hauts-de-France qui anime supporteurs lensois comme lillois depuis le début de semaine, retour tactique sur l’épatant début de saison du club artésien, de retour dans l’élite après cinq ans d’absence et qui se hisse après six journées sur le podium du championnat (3e). Si l’on parle énormément de la triplette offensive de Franck Haise composée de Gaël Kakuta, Ignatius Ganago et Florian Sotoca – neuf buts à eux trois sur les dix inscrits par Lens cette saison –, c’est surtout le contenu de l’équipe dans son ensemble qui impressionne matches après matches. Focus donc sur les « hommes de l’ombre » du collectif artésien.
La recette Franck Haise
« Je n’ai pas peur de le dire, il est un des meilleurs entraîneurs que j’ai eu dans ma carrière » révélait le portier artésien Jean-Louis Leca à propos de son coach dans les colonnes de l’Équipe la semaine dernière. Rien que ça. Mais quelle est donc la recette Franck Haise ? Celle qui permet pour l’instant à Lens, promu, de compter treize points sur dix-huit possibles et d’afficher l’un des jeux les plus séduisant du championnat. Cet été, le recrutement a tout d’abord été pensé pour le « système Franck Haise ». Un 3-4-1-2 à vocation offensive ; Gaël Kakuta aux manettes qui n’hésite pas à décrocher pour se mettre face au jeu et qui fait parler toute sa technique balle aux pieds, une grosse variété dans les circuits de passes en phase de possession, une attaque qui alterne points d’appui et profondeur, des latéraux très actifs et enfin, des centraux qui n’hésitent pas à s’impliquer dans les combinaisons offensives. Bilan : défaite contre le court du jeu à Nice en ouverture du championnat (1-2), victoires contre le PSG (1-0), Lorient (3-2), Bordeaux (2-1), Saint-Etienne (2-0) et match nul à Nîmes (1-1). « Il nous a dit qu’on avait deux choix racontait Jean-Louis Leca au lendemain du début de saison : soit on mettait le bus toute la saison en priant pour que ça se passe bien, soit on avait quelques qualités et qu’il nous fallait les mettre en avant. Lui a choisi la deuxième option ». Descriptif.
L’art du pressing
Positionnés hauts sur le terrain, les hommes de Franck Haise illustrent à merveille la philosophie de défendre en avançant. Ce pressing intense et coordonné dès la première relance étouffe l’adversaire, bloque ses circuits de passes et l’oblige à allonger, là où les défenseurs centraux artésiens prennent ensuite l’avantage. Et ce système fonctionne jusqu’à présent à merveille dans l’Artois puisqu’après six journées, Lens est l’équipe de Ligue 1 qui concède le moins de situations de but si l’on se fie aux statistiques avancées, avec seulement 2,27 xGA (expected goals against). Mais cette philosophie de jeu permet également aux lensois de récupérer des ballons dans les cinquante derniers mètres adverses et ainsi de se procurer de nombreuses situations. Et encore une fois, cela s’illustre en statistiques avancées puisque Lens est la troisième équipe de Ligue 1 – derrière Paris et Lyon – à se procurer le plus de situations franches de but, avec 13,27 xG (expected goals). Preuve encore que l’excellent début de saison des Sang & Or n’a rien du hasard, Lens figure en tête du classement corrigé de la Ligue 1 avec 15,74 xPTS (expected points). On en oublierait presque qu’il n’est qu’un promu.
Ici à Nice, alors qu’ils sont en déplacement face à l’un des meilleurs effectifs de Ligue 1, les hommes de Franck Haise se positionnent en bloc haut. Les aiglons sont gênés dans leur volonté de repartir court depuis l’arrière et finissent par envoyer de longs ballons aux avant-postes, immédiatement récupérés par l’arrière garde lensoise. Toujours face à Nice, les lensois enferment ici leurs adversaires sur un côté et les locaux se retrouve à nouveau sans solution. Sous la pression de Florian Sotoca, Benitez va finalement relancer comme il peut, rendant le ballon aux Sang & Or en position offensive. Même situation face à Bordeaux où les milieux et attaquants lensois réalisent un pressing coordonné qui empêche toute possibilité de passe bordelaise vers l’avant. Les attaquants girondins sont également très bien marqués par l’arrière garde Sang & Or et sous la pression de Sotoca (encore), Baysse va ici être contraint de rejouer en retrait vers son gardien. Face au PSG, Lens monte d’un cran en seconde mi-temps et gêne les parisiens dans leur volonté de relancer court. Ici, Paris est donc contraint de jouer en retrait vers son gardien et les trois offensifs lensois exercent alors leur pressing jusque dans la surface de réparation adverse, suivis derrière eux d’un second rideau de quatre joueurs, composé des deux milieux et des deux pistons. Sous la pression, l’inexpérimenté Bulka tente une relance dans l’axe bien lue par Ignatius Ganago, qui intercepte le cuir et l’envoie au fond des filets. Efficace.Des pistons à la fête
En phase de possession, Franck Haise demande à ses pistons de constamment se projeter vers l’avant et de jouer un rôle majeur dans la construction des offensives lensoises. Ces-derniers excellent alors dans un rôle d’ailier et distillent de nombreux centres pour leurs attaquants. Cette saison, Lens à pour l’instant inscrit l’intégralité de ses buts (10) dans la surface de réparation adverse. Preuve encore de l’efficacité des velléités offensives lensoises ; Jonathan Clauss, piston droit, se révèle être l’un des centreurs les plus efficaces de Ligue 1 derrière Ruben Aguilar (Monaco) et Alessandro Florenzi (PSG).
Ici face à Saint-Etienne, alors que le meneur de jeu lensois Gaël Kakuta s’est excentré sur le côté droit, Jonathan Clauss décide de venir dédoubler par l’intérieur afin d’apporter une solution à son numéro 10. En un appel suivi d’une passe cachée, Lens élimine ici trois défenseurs Verts et s’offre une occasion de but. Sur cette phase de jeu, huit joueurs de champs Sang & Or sont ici à l’image dans les trente derniers mètres stéphanois, avec notamment la présence de Massadio Haidara, le pendant de Jonathan Clauss, presque en position d’avant-centre. Toujours face à Saint-Etienne, Massadio Haidara, piston gauche, va ici centrer pour Jonathan Clauss, piston droit, qui arrive lancé au second poteau. Une action significative parmi tant d’autres de l’apport offensif constant des latéraux lensois.Mais en phase offensive, les pistons lensois ne se contentent pas uniquement d'attaquer. Dès la parte de balle, ils harcèlent leur vis-à-vis afin d'empêcher la relance adverse. Et lorsque ce pressing s’avère payant, cela permet ainsi aux hommes de Franck Haise de rapidement se montrer dangereux à nouveau, ne laissant aucun répit à l'adversaire.
Ici face à Bordeaux, le ballon aussitôt perdu en phase offensive, Jonathan Clauss ne décide pas de se replacer et de laisser Bordeaux développer son action mais s’en va immédiatement harceler le porteur de balle adverse. Face à la bonne coordination du pressing lensois, ce dernier n’a aucune solution de passe... ... et le pressing va s’avérer payant. Jonathan Clauss récupère le cuire pour adresser un centre dans la surface de réparation bordelaise où trois lensois sont toujours présents. Au point de penalty, Ignatius Ganago est bousculé par un défenseur bordelais et Lens obtient un un penalty. Cette saison, sur les quatre pénaltys obtenus par les Sang & Or, deux d’entre eux sont venus d’actions initiées par Jonathan Clauss sur son côté droit.Au milieu ; "déformer le triangle"
L'efficacité du pressing lensois en bloc haut depuis le début de saison permet également aux onze joueurs de Franck Haise d’évoluer, la plupart du temps, dans un rôle plus avancé sur le terrain. À l'image des deux pistons, c’est également le cas des deux milieux à vocation – initialement – plus défensive. « Si l’on reste toujours avec nos deux milieux devant la défense et Gaël (Kakuta), dans l’axe, entre les milieux et les attaquants, on ne surprendra pas grand monde. L’idée est de déformer le triangle » analysait Franck Haise lors du dernier match. Ce dépassement de fonction permet notamment à Lens d’apporter de la densité devant, mais lui permet également de surprendre et de désorganiser la défense adverse. Ainsi, les quatre pénaltys obtenus par les artésiens depuis le début de saison ne semblent pas étrangers à cela. Au retour de blessure de Seko Fofana, dont les qualités athlétiques ainsi que la faculté à se projeter vite vers l’avant ne sont plus à présenter, nul doute que ces situations s’avèreront encore plus intéressantes pour Lens.
Ici face à Nîmes, le piston gauche lensois Issiaga Sylla déborde et se retrouve en position de centre. Devant le but nîmois, quatre lensois sont présents pour trois défenseurs Crocos. Outre la présence des deux avants-centres Ignatius Ganago et Florian Sotoca ainsi que celle de Gaël Kakuta en soutient, on retrouve… Yannick Cahuzac dans une position très inhabituelle, devant même son numéro 10. Il contraint ainsi un des défenseurs nîmois à le surveiller, ce qui laisse davantage d’espaces à Ganago, Kakuta et Sotoca. Même situation face à Bordeaux où quatre lensois pour… trois défenseurs bordelais attendent un centre dans la surface de réparation. Cette supériorité numérique est encore rendue possible par la projection de Yannick Cahuzac mais aussi par celle du piston gauche, Issiaga Sylla. Ici face à Saint-Etienne, Gaël Kakuta, dans son rôle de métronome du jeu lensois, écarte le ballon pour Jonathan Clauss qui a devant lui un boulevard sur son côté droit. Sur cette action, la défense stéphanoise se voit totalement aspirée dans l’axe par le jeu en une touche de balle des hommes de Franck Haise mais aussi par le dépassement de fonction, encore, de Yannick Cahuzac. En se projetant vers l’avant, le capitaine lensois attire sur lui un adversaire, en l’occurrence l’arrière gauche de Verts, qui délaisse son couloir.Fers de lance
Cet été, Franck Haise a souhaité se munir de défenseurs centraux complets, capables aussi bien de défendre que de participer à la construction du jeu offensif. S’il comptait déjà dans ses rangs Jonathan Gradit, surnommé « la perceuse » pour sa faculté à transpercer les premières lignes adverses balle aux pieds, les Sang & Or ont enregistré les arrivées de Facundo Medina (21 ans) – néo-international avec l’Argentine – et de Loïc Badé (20 ans). À eux trois et malgré leur maigre expérience de la Ligue 1, ils affichent déjà de (très) solides prestations. Positionnés hauts en phase de possession, ils sont les premiers relanceurs lensois, capables de jouer court comme de basculer le jeu d’un côté à l’autre avec des renversements très interéssants.
Ici face à Bordeaux, sur une phase de possession, on peut voir les défenseurs centraux lensois s’inviter dans la moitié de terrain adverse. Face au jeu, Steven Fortes – qui remplaçait Badé – a plusieurs possibilités de passes qui s’offrent à lui. Il va finalement trouver Sotoca plein axe, dont la frappe va ensuite s'écraser sur le poteau de Costil. Face à Saint-Etienne, Facundo Medina, de nouveau dans une position avancée et ici à la relance, va renverser le jeu vers la droite à l’aide d’une énième transversale parfaite pour étirer le bloc défensif adverse et créer des espaces dans l’axe. Toujours face à Bordeaux, Jonathan Gradit "la perceuse", choisit ici de varier les phases de jeu et de sortir de sa défense balle aux pieds afin de transpercer les premiers rideaux défensifs adverses.Et à la perte de balle, à l’image du pressing exigé par Franck Haise, les défenseurs centraux artésiens tentent eux-aussi la récupération haute, quitte à se découvrir et à prendre des risques derrière. Cela leur permet notamment, en cas de récupération du ballon, de rester hauts et d’annihiler toutes prémices d’offensive adverse. C'est également ce qui permet pour l'instant à Lens d'être l'équipe qui concède le moins de situations de but dangereuses en Ligue 1.
Ici à la perte de balle, Facundo Medina profite de son positionnement haut sur le terrain pour venir immédiatement intercepter le ballon dans les pieds de Jimmy Briand. Lens défend ainsi loin de son but et s’épargne des actions dangereuses.Désormais pour Franck Haise et ses hommes, rendez-vous dimanche soir (21h) à Lille.
Clément L.
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