Si le 1er janvier 2021 a acté la fin d’une année 2020 très compliquée à l’échelle mondiale en raison de la crise sanitaire du COVID-19 qui n’a pas non plus épargné le monde du football, cette date a également marqué la sortie du Royaume-Uni de l’Union Européenne. Tour d'horizon des conséquences du Brexit sur le championnat anglais ainsi que sur les autres championnat européens.
Le 23 juin 2016, à l’issu d’un référendum national, les britanniques se déclaraient favorables à 51,9% pour la sortie du Royaume-Uni du marché unique européen. Si le projet a depuis cette date été repoussé à de nombreuses reprises faute d’accord entre l’Union Européenne, le gouvernement britannique et le Parlement, la victoire du camp conservateur, emmené par le Premier Ministre Boris Johnson, lors des élections anticipées de décembre 2019 a débouché sur la ratification d’un accord de retrait entre le Royaume-Uni et l’UE le 31 janvier 2020. Les négociations qui ont suivis ont donc fini par aboutir et le 30 décembre dernier, le Parlement britannique approuvait l’accord conclu entre les différents parties ; actant définitivement le Brexit. Cette décision historique impliquera alors des restrictions sur la libre circulation des ressortissants de l’UE sur le sol britannique et aura donc des répercussions sur le monde du football.
Mais le football anglais n’a pas attendu cet accord pour réagir et avait déjà anticipé le Brexit depuis plusieurs semaines. En effet, le 1er décembre dernier, un plan co-consruit entre la Fédération anglaise de football, la Premier League et la Ligue anglaise de football (EFL) avait été adopté par le gouvernement britannique. Ce dernier témoignait notamment de trois principaux changements à compter du 1er janvier 2021, date de l’officialisation du Brexit. Premièrement, les clubs anglais ne pourront plus recruter de joueurs mineurs étrangers. Si des joueurs comme Cesc Fabregas, Paul Pogba ou encore Gaël Kakuta ont par le passé traversé la Manche alors qu’ils étaient respectivement âgés de 16, 17 et 16 ans, ces transferts ne seront désormais plus possibles. Deuxièmement, les clubs britanniques ne seront plus autorisés à recruter plus de trois joueurs étrangers âgés entre 18 et 21 ans par période de transfert ; soit six par saison. Enfin, à l’instar des joueurs africains, sud-américains ou asiatiques, les joueurs issus des vingt-sept États membres du l’UE devront désormais obtenir un permis de travail avant d'être autorisés à rallier le sol britannique. Ce permis de travail, délivré via un système de points, devrait inéluctablement diminuer le nombre de transferts de joueurs européens - principalement de seconde zone - vers le championnat anglais. Les points de ce permis de travail seront en effet calculés sur le nombre de sélections internationales (A ou espoir) du joueur concerné, sur le nombre de minutes jouées en club et sur la « qualité » du club vendeur (le championnat dans lequel il évolue et son évolution lors des compétitions continentales). Dans le sens inverse, les joueurs britanniques seront désormais comptabilisés dans les clubs européens comme extra-communautaires. En Ligue 1, la LFP limite à quatre le nombre de joueurs dits extra-communautaires autorisés.
![]() |
D'après BBC Sport, avec la mise en place de ces nouveaux critères, ce sont près de 332 joueurs des différents championnats anglais qui n’auraient pu fouler les pelouses d’Outre-Manche depuis 2016. Parmi eux, des joueurs devenus incontournables en Premier League tels que Riyad Mahrez (Manchester City), passé du Havre à Leicester en 2014, ou N’golo Kanté (Chelsea), transféré de Caen à Leicester en 2015. D’après une étude de l’Observatoire du football du Centre international des études sportives (CIES) en 2019, la part des minutes jouées par des joueurs issus d’Europe continentale dans le championnat anglais était passée de 36% à 45% au court de la dernière décennie. Par ailleurs, si lors de la création de la Premier League en 1992, 70% des effectifs des différents clubs étaient composés de joueurs anglais, ce chiffre a considérablement chuté pour atteindre 30% en 2019. Ces nouvelles règles permettront donc à la Premier League, face aux nombre conséquent de joueurs étrangers présents dans son championnat, de répondre à l’objectif suivant : voir les meilleurs joueurs britanniques évoluer dans les meilleurs clubs britanniques, et ainsi améliorer le niveau de la sélection nationale, qui courent toujours derrière un sacre mondial depuis 1966. Avec cette nouvelle règlementation, la Premier League espère par exemple éviter un départ similaire à celui de Jadon Sancho en 2017 ; l’international anglais avait quitté l'équipe réserve de Manchester City pour l’Allemagne et le Borussia Dortmund à seulement 17 ans. Toutefois, la Premier League souhaite rester le championnat le plus médiatique et le plus lucratif au monde. Mais pour cela, il faudra continuer à permettre aux meilleurs joueurs étrangers d'évoluer dans celui-ci. C’est pourquoi des dérogations au permis de travail à points seront autorisées. Pour en bénéficier, un joueur devra alors répondre, au moins, à l’un des deux critères suivants : faire partie d’une des cinquante meilleures sélections nationales au classement FIFA et avoir disputé au moins 70% des matches de sa sélection sur les 24 derniers mois, ou apporter une « bonification au championnat ». Des dérogations de ce type existaient déjà avant le Brexit pour les joueurs extra-communautaires et l’égyptien Mohamed Salah en avait notamment bénéficié lors de son transfert à Liverpool en 2017. Pour Richard Masters, Président de la Premier League, « en continuant à recruter les meilleurs joueurs, le championnat anglais restera compétitif tout en complétant (sa) philosophie de développement des meilleurs talents étrangers aux côtés des meilleurs joueurs locaux ».
Si le Brexit n'aura donc quasiment aucun impact sur le recrutement des meilleurs joueurs internationaux par les plus gros clubs de Premier League, des clubs de deuxième partie de tableau ou de divisions inférieures anglaises, qui misent régulièrement sur le recrutement de jeunes joueurs étrangers à fort potentiel, se verront quant à eux fortement impactés. Brentford, club de seconde division, en est un parfait exemple ; Neal Maupay en 2017, Said Benrahma en 2018 et Bryan Mbeumo en 2019, ont tous les trois été recrutés en provenance de Ligue 2 en France et ont depuis brillé Outre-Manche. Or, si les nouvelles règles liées au Brexit avaient été applicables à l'époque, leur recrutement n'aurait pu se réaliser. Même cas de figure pour l’attaquant finlandais de Norwich Teemu Pukki, grand artisan de la montée de son club en Premier League en 2018-2019 avec 29 buts inscrits et auteur de 11 réalisations dans l’élite la saison suivante. Car bien qu’international finlandais, l’attaquant de 30 ans évolue dans une sélection classée au-delà du cinquantième rang au classement FIFA et provenait, à son arrivée, d’un championnat européen mineur ; le Danemark.
De ce fait, outre le championnat anglais, le Brexit aura des conséquences économiques sur les autres championnat européens. En effet, il risque de fortement impacter les pays et les clubs qui vendent le plus de joueurs à destination de l'Angleterre ; les clubs français en tête. D’après les chiffres avancés par le CIES, les clubs britanniques auraient en effet investi plus d’1,25 milliards d’Euros sur des joueurs évoluant dans l’Hexagone durant la période 2010-2019 ; loin devant les 767 millions d’Euros versés aux clubs de Bundesliga et les 739 millions d’Euros versés aux clubs de Série A. Avec la crise sanitaire du Covid-19 qui a déjà des répercussions sur les recettes de billetterie des clubs ainsi que le fiasco Médiapro qui prive les clubs français de droits TV depuis le début de saison, les restrictions sur les transferts de joueurs vers l'Angleterre liées au Brexit s’avèrent être un nouveau coup dur pour les finances des clubs français. Lors des deux dernières fenêtres de transfert estivales, l’AS Saint-Etienne - que l’on sait en difficulté financière - avait notamment pu vendre vers l’Angleterre ses jeunes prouesses William Saliba (Arsenal) et Wesley Fofana (Leicester) pour respectivement 30 et 35 millions d’Euros. Or désormais, les clubs français ne pourront pu compter uniquement sur la puissance financière des clubs anglais pour soulager leur besoin urgent de liquidités. En janvier dernier, l’Olympique de Marseille, qui doit également vendre des joueurs afin de combler son déficit structurel annuel, s’attachait les services de Paul Aldridge, un ancien dirigeant de clubs de Premier League tâché de faciliter les transferts de joueurs phocéens vers l’Angleterre. Mais face aux nouvelles restrictions du marché des transferts anglais, on est en mesure de douter de la pertinence et de l'utilité de cette fonction, et même si les clubs anglais devraient rester - dans une moindre mesure - actifs sur le mercato européen, nul doute que l'OM devra désormais se tourner vers d'autres horizons pour espérer trouver de potentiels acquéreurs à certains joueurs.
Clément L.
Commentaires
Enregistrer un commentaire